Pourquoi chaque entreprise canadienne a besoin d'une stratégie Trump... et d'une stratégie Biden
Bien que la géographie ait fait du Canada et des États-Unis des voisins et que l'économie ait fait des pays des partenaires, le résultat de l'élection présidentielle américaine de 2024 risque de mettre à rude épreuve ce partenariat. Étant donné que de nombreuses entreprises canadiennes comptent sur un accès relativement libre et sans entrave au marché américain dans le cadre des chaînes de valeur nord-américaines, il est essentiel que les entreprises canadiennes se préparent à ce qui pourrait arriver.
À l'heure actuelle, beaucoup sont conscients de l'impact possible d'une deuxième présidence Trump. Réjouissant de son autodescription d' « homme des droits de douane », Donald Trump promet d'imposer un tarif universel de 10 % sur tous les articles importés aux États-Unis. On peut soutenir que les accords déjà en place devraient protéger les marchandises canadiennes de ce tarif imposé unilatéralement. Là encore, on serait naïf de s'appuyer trop fortement sur un président Trump respectant les subtilités du droit international. Les entreprises canadiennes intelligentes planifient des mesures d'urgence pour protéger leur accès commercial.
Beaucoup semblent prétendre qu'un second mandat au poste de président Biden représente une bonne marche pour les entreprises canadiennes et ne nécessite pas beaucoup de planification ou de prévoyance. Pourtant, un rapport sur l'économie mondiale de la Banque Scotia publié en avril 2024 « deviner l'impact économique » des élections américaines constate un impact négatif sur l'économie canadienne, peu importe qui gagne (bien que, certes, l'impact soit plus important sous la présidence de Trump). Le président Biden est peut-être un ami du Canada, mais il n'est pas exactement un libre-échange.
En plus d'être sévère envers la Chine, à peu près le seul consensus bipartisan à Washington ces jours-ci est l'aversion — voire l'hostilité — pour le libre-échange. Ni le président Trump ni le président Biden ne sont susceptibles de progresser vers une plus grande intégration économique et un partenariat.
Par exemple, le président Biden a réussi à adopter d'importantes lois sur les dépenses, comme la Loi sur la réduction de l'inflation (IRA) et la loi bipartite sur les infrastructures. Ces projets de loi ont entraîné de nouveaux maux de tête au sujet des dispositions « Buy America » et d'autres mesures qui excluent les entreprises canadiennes ou les placent dans une position désavantageuse concurrentielle par rapport à leurs homologues américains.
Les gouvernements canadiens, tant fédéraux que provinciaux, ont travaillé d'arrache-pied pour réduire au minimum les répercussions de ces perturbations commerciales et/ou pour introduire des mesures nationales pour rétablir la compétitivité du Canada. Pourtant, près de deux ans après l'adoption de l'IRA, les gouvernements canadiens s'efforcent toujours de contrer l'impact de cette loi sur les entreprises canadiennes.
Voler quelque peu sous le radar — du moins au Canada, semble-t-il — est l'examen obligatoire de l'Accord États-Unis-Canada-Mexique (AEUMC) en 2026. Cet examen peut sembler loin : il y aura des élections nationales dans chacun des pays signataires, avec le potentiel de nouvelles administrations en place dans chaque pays, d'ici là.
Il semble assez clair que le Canada et le Mexique préféreraient que cet examen obligatoire de l'AEUMC confirme, au minimum, l'accord en vigueur pour une période supplémentaire de six ans, avec la possibilité d'obtenir d'autres concessions. Pourtant, étant donné le sentiment anticommercial qui prévaut actuellement à Washington, cette issue semble peu probable.
En considérant simplement les déficits commerciaux — l'un des paramètres les plus préférés que le président Trump examinerait pour déterminer si l'AEUMC fonctionne bien pour les États-Unis — les États-Unis ont des déficits commerciaux importants avec le Canada et le Mexique. En fait, le déficit commercial du Mexique est le deuxième plus important des États-Unis, seulement dépassé par le déficit commercial des États-Unis avec la Chine. Et il y a des grondements (de plus en plus forts), ce déficit commercial reflète en partie les entreprises chinoises qui ont investi au Mexique et qui utilisent cette base pour importer des produits chinois essentiellement exempts de droits de douane aux États-Unis. Dans un tel contexte, un examen administratif discret de l'accord commercial semble encore plus improbable.
Comment les entreprises canadiennes peuvent-elles se préparer ? Commencer tôt et avoir un plan — distinct pour chaque présidence possible — est un bon début. Pour certains secteurs, comme les véhicules électriques, les technologies propres et le traitement des minéraux critiques, il y a des possibilités considérables à explorer. Pour d'autres secteurs, notamment l'acier, l'aluminium et de nombreux producteurs agricoles (surtout ceux qui sont soumis à la gestion de l'offre), il y a des risques importants qui doivent être atténués.
Mais les entreprises canadiennes n'arriveront pas loin d'elles-mêmes. Ils auront besoin de l'appui et du soutien des gouvernements canadiens pour défendre leurs intérêts.
Une partie de ce soutien nécessite de reconnaître la complexité de la relation entre le Canada et les États-Unis et de reconnaître que le niveau présidentiel n'est qu'une partie de la solution. Le gouvernement de l'Ontario, par exemple, poursuit des protocoles d'entente avec les États américains concernés et souligne le rôle important des entreprises ontariennes dans l'emploi aux États-Unis et dans les chaînes d'approvisionnement stratégiques, comme celles des véhicules électriques et des minéraux critiques. Il sera de plus en plus important de mettre l'accent sur l'importance économique des entreprises canadiennes pour les États-Unis, surtout au niveau des États, pour contrer les soupçons de libre-échange de Washington.
Les présidents américains ont régulièrement reconnu le Canada, et les États-Unis ne sont pas seulement des voisins, mais des alliés et des partenaires économiques. Les entreprises canadiennes ont un rôle à jouer dans la promotion de ce partenariat. Il en va de même pour les gouvernements canadiens. Et nous devons commencer par ces rappels dès aujourd'hui.